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Sarkozy existe-t-il? (1)

       Le personnage Nicolas Sarkozy, celui qui s'agite dans tous les sens devant les médias, à la fois toujours-candidat, Président de la République (de la IVème côté chrysanthème, et de la Vème version « je vous ai compris », et même parfois de la VIème), premier ministre, et tour à tour porteur de tous les maroquins, secrétaires d'état compris, puis rédacteur en chef de tel ou tel journal, entraineur d'un des sports collectifs nationaux, le lendemain agitateur syndicaliste, un jour néolibéral forcené, le lendemain pour l'intervention de l'état en matière économique, le lundi promettant de suivre le modèle allemand, le mardi proposant d'imiter le Royaume-Uni,.... ce personnage, fascinant (à une lettre près-  n= haine -vous avez remarqué?) je l'avais déjà rencontré.

Mais où?


C'est en retrouvant dans ma bibliothèque le second tome des Nouvelles de Philip K. Dick* que je me suis souvenu de Yanci.

Le Président Yanci.


« Il était évident que John Yancy avait déjà pontifié sur tous les sujets connus, exprimé son opinion sur tous les thèmes possibles et imaginables : l'art moderne comme l'emploi de l'ail dans les préparations culinaires, l'abus de boissons alcoolisées comme l'alimentaTion carnée, le socialisme comme la guerre, l'éducation, les robes décoletéess, les impôts trop élevés, l'athéisme, le divorce ou le patriotisme. »


Dans cet état du futur, le Président converse régulièrement à la télévision avec ses concitoyens de tous les sujets imaginables et propose des solutions à tous les problèmes. Mais les responsables de la Fédération -à laquelle appartient cet état, une sorte d'Union Européenne- s'inquiètent de la dérive politique qui s'amorce : une sorte de totalitarisme mou semble s'installer peu à peu dans cet état pourtant gouverné par un système démocratique. Taverner, l'enquêteur fédéral, commence son enquête : rien dans les fonctionnements politique et administratif ne semble justifier une intervention de l'autorité fédérale. Pourtant...


« ...Existait-il un seul sujet sur lequel Yancy ne ses soit pas encore exprimé? »

Taverner demande à consulter les bandes d'enregistrement des interventions télévisées du Président Yanci:

« Taverner fit défiler les bandes traitant de diverses questions capitales. Même chose d'un bout à l'autre. Tout jugement porté par Yancy était contredit par le suivant. Les uns se trouvaient annulés, contrebalancés par les autres, parfaitement et non sans habileté...Le résultat était sidérant. Et c'était du travail de professionnel : l'ensemble était ficelé trop habilement pour que ce soit dû au hasard. »


La mécanique mise en place par le staff présidentiel - un organisme secret qui sert de gouvernement parallèle et agit comme un ministère de la propagande – est d'une efficacité remarquable:

« ...Les salles de tortures, les camps d'extermination n'étaient nécessaires que si la persuasion échouait. Et, sur ce monde, la persuasion était d'une efficacité parfaite. Par le passé, les sociétés de ce type étaient restées incomplètes : les autorités n'avaient jamais pu s'infiltrer dans toutes les sphères de l'existence.Mais, depuis, les techniques de communication avaient fait des progrès.

Le premier état totalitaire était en train de s'instaurer sous ses yeux. »



Que faire? Heureusement, Sipling, un génial psycho-sociologue, et le principal acteur de cette entreprise, pris de remords – son jeune fils est en train de devenir un légume politique- vend la mèche:

« Yancy est une image de synthèse,expliquait Sipling. Une espèce de figure composite. Il n'existe aucun individu qui lui corresponde. Nous nous inspirons d'archétypes puisés dans les archives sociologiques ; c'est une gestalt fondée sur un certain nombre de personnages typés. »


Ici certains points peuvent différer entre Notre Nicolas Sarkozy et l'image de synthèse qu'est le Président Yanci. En effet, si le second ne professe que des opinions moyennes, "immanquablement la croyance la moins génératrice de complications. La plus superficielle. », la spécialité du second est de multiplier les opinions et les propositions les plus radicales et les plus contradictoires. Techniques douces pour l'un, forceps pour l 'autre, mais même méthode : il s'agit d'étourdir la réflexion et d'empêcher tout raisonnement et jugements personnels. L'un endort, l'autre tient vos yeux toujours ouverts : but identique, l'abrutissement civique.

« Alors, il s'agit d'une opération de très grande envergure, fit remarquer Taverner. Je veux dire, la création et l'animation de Yancy.

-  Des milliers et des milliers de personnes y travaillent, simplement pour écrire les textes. Vous n'avez vu que le stade initial. Et cela touche toutes les villes. Bandes magnétiques, films, livres, magaines, affiches, brochures, pièces radiophoniques et télévisées, messages subliminaux dans les journaux, véhicules publicitaires, babdes dessinées pour enfants, rumeurs transmises par le bouche à oreille, ...le grand jeu, quoi. Le matraquage Yanci ininterrompu...On nous appelleles « Yancemen »...

   -  Et vous les concepteurs, que pensez-vous de Yancy?
    - C'est une outre pleine de vent. »

Encore Philip K. Dick n'avait-il pas pensé à l'arme fatale: la femme. Il est vrai qu'il est difficile de proposer à une sorte de Carla Bruni virtuelle d'épouser Yanci, mais la chose aurait pu être amusante. La nuit de noce, veux-je dire.


La comparaison s'arrête là : la fin de la nouvelle voit la fuite des comploteurs, le suicide raté du responsable de la manipulation politique et son arrestation, sous le prétexte assez drôle d' une violation de la déontologie régissant la publicité » (mais nous sommes dans une nouvelle de science-fiction, ne l'oublions pas, et les marques de montres et autres gadgets à l'usage du Président virtuel ne sont pas citées) et le triomphe de la Démocratie, enfin de la Démocratie telle qu'on l'imagine.


Nous, on n'est pas sorti de l'auberge : notre Président est bien vivant.



(à suivre)



*Philip K. Dick NOUVELLES tome 2/1953-1981 – exrtraits de « A l'image de Yanci »




16/06/2008
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