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Le rapport Marcel Pochard : fin du traitement au mérite?

Marcel Pochard, ou la disparition de la notation au « mérite »



Les titre de l'article « des pistes pour sauver l'école » de l'Est Républicain du 4 février 2008 est déjà une tromperie : dans l'article, aucun début d'un commencement de pistes (« le travail d'équipe (que ) tout le monde appelle de ses voeux ») pour « sauver l'école ». On ne s'y intéresse ni aux contenus des programmes, ni aux solutions pédagogiques, ni même à des ersartz de rustines pour relancer une réflexion sur le mode de fonctionnement d'une institution qui peine à se rendre crédible, sinon efficace. Une seule phrase pour émettre une hypothèse de travail, si peu originale qu'elle peut (et doit) s'appliquer à tous les domaines de la vie privée, publique et professionnelle:

« Tout le monde doit se mettre autour d'une table pour discuter de la qualité de la formation, les affectations, la notation et l'évaluation » (encore que la phrase soit bancale, « des,...de la » aurait été préférable)


Ce qui intéressait visiblement le journaliste, c'était la vieille histoire sarkozienne du traitement au mérite. J'ai lu avec surprise la réponse de Marcel Pochard :

« Prendre seulement en compte la performance individuelle pour un enseignant n'a aucun sens.Il est très difficile de mesurer l'impact des enseignants sur les résultats. »


Pour le journaliste, et les lecteurs, il ne fait aucun doute que les enseignants ne sont pas notés au « mérite ». Pourtant, Marcel Pochard dit tout autre chose.

En effet les enseignants sont doublement notés tout au long de leur carrière, par le chef d'établissement, qui donne une note administrative qui tient à la fois compte de nombreux critères, dynamisme et efficacité dans la vie de l'établissement, présence et régularité etc ...cette note tient aussi compte de l'échelon, plus élevée en fin de carrière qu'en début, redescendue par l'administration si trop haute pour l'échelon de l'enseignant.

Vous avez dit « bizarre »?

La seconde note est beaucoup plus aléatoire puisqu'elle dépend à la fois d'une inspection par un inspecteur (il y en a de toutes sortes)qui vient de temps en temps (qui donne souvent le temps au temps)et donne après une bonne heure de visite une note qui pourra perdurer des années durant (s'il ne revient pas), descendre ou monter suivant les fluctuations de commissions chargées de moduler les notes de toutes les matières enseignées de façon à ce qu'il n'y ait pas hiatus, donc d'injustices flagrantes.

Une merveille d'équité!


De ces notes, dont il faut bien comprendre ce qu'elles peuvent avoir d'arbitraire, et d'ubuesque parfois, dépendent les carrières : on peut ainsi gravir les échelons à l'ancienneté, au choix et au Grand Choix. La différence de traitement entre un enseignant qui fait toute sa carrière « à l'ancienneté » et un autre qui gravit les échelons au « Grand Choix » est, en fin de carrière , de plusieurs dizaines de milliers d'euros.

Il faut distinguer, pour certains dont le mérite apparaît auréolé d'une gloire remarquable,la possibilité pour l'administration centrale, le recteur dans ce cas, de faire « sauter » des échelons grâce à l'arrivée directe, comme au jeu de l'oie, à la Classe Exceptionnlle. Un système digne de l'arbitraire de n'importe quelle république bananière que, bizarrement, les syndicats n'ont jamais dénoncé.


Pour revenir à l'interview de Marcel Pochard, s'il dit qu'on ne peut pas noter « au mérite » un enseignant pour sa « performance individuelle », c'est qu'il pense, à tort je crois, que le journaliste sait que ce système existe depuis...un siècle peut-être. Et qu'il veut, à juste titre le dénoncer!


Marcel Pochard est très clair : le système actuel, qui voit les enseignants gravir les échelons »au mérite » (Nicolas Sarkozy aurait du une fois de plus tenir sa langue), est une imbécillité héritée de siècles de féodalités (il fut un temps où certains inspecteurs estimaient qu'ils avaient le droit de cuissage!) et qu'il faut éradiquer.

Il manque peut-être à Marcel Pochard, dont je lirai attentivement le résultat des travaux (j'avais fait à l'époque où Lionel Jospin était ministre de l'éducation nationale, sur sa demande, un rapport de 34 pages, rédigé par une commission où je m'étais réuni moi-même) un peu plus de pugnacité pour affirmer haut et fort le résultat de la commission en ce qui concerne le traitement au mérite :

on ne peut pas « mesurer l'impact des enseignants sur les résultats. Sauf à faire des siècles d'études »


Nicolas Sarkozy, après l'irrésistible rapport d'Attali , déjà rédacteur du Programme Commun de la Gauche de 1981, dont on sait ce qu'il est devenu (en vente 1 euro chez les Chiffonniers d'Emmaüs), se voit une nouvelle fois renvoyé dans les cordes.

Son idée de mettre en rivalité, ou en concurrence, donc d'organiser des affrontements, des jalousies, des réseaux d'influence (il y en a suffisamment dans l'enseignement sans qu'on en invente encore) est une idée néfaste qui, si elle peut s'appliquer dans la police ou la gendarmerie (encore que?), ne doit pas s'appliquer dans un domaine aussi mal connu et aussi sensible que la pédagogie. Parce que les enfants ont besoin de projets, individuels et collectifs (voir l'article) et d'autorité apaisée, il ne saurait y avoir de rivalités gouvernées par l'interêt financier dans le monde de l'enseignement.

Ni ailleurs.

Il est donc urgent, pour suivre l'idée de Marcel Pochard, de supprimer la note administrative, l'avancement au choix, et de former des spécialistes capables d'évaluer la qualité d'un travail collectif sur des projets pédagogiques.

J'imagine mal où trouver ces spécialistes (autoproclamés, sans doute), comment les former et surtout :

Que faire de ces inspecteurs qui ont vendu tour à tour et sans état d'âme, les maths modernes puis les maths pas modernes, la grammaire ceci, puis la grammaire cela (le retour II), l'étude de texte machin, puis celles du groupe Truc (beaucoup mieux)?


Beau résultat, et merci,monsieur Marcel Pochard : voilà un domaine où la notation au mérite (?) aura enfin disparu. Si Nicolas Sarkozy (retour à la République bananière) le veut ainsi.



04/02/2008
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