toupour le zooh

l'époque où nou vivons, chronique d'opinion : Airbus

La crise à Airbus-EADS fait remonter à la surface du panier (de crabes) des discours contradictoires sur le rôle de l'état dans la vie économique d'un pays.

En mettant sur la table la volonté des régions gouvernées par les socialistes (il faut croire que les autres ne sont pas intéressées par l'aéronautique), Ségolène Royal a touché du doigt ce qui fait mal à la droite, où reste comme des relents de gaullisme (positif sous ma plume), devenue libérale bien après l'échec  de cette politique anarcho-capitaliste et cause de la crise que vivent tous les pays industriels, et d'autres.

Sarkozy lui-même, le chantre du néolibéralisme à ses heures (mais il a des heures pour tout) fustigeait la semaine passée l'idée même d'une intervention étatique* : "les états ne sont pas les actionnaires les plus avisés », oubliant que si ce ne sont pas les meilleurs, ce ne sont pas non plus les pires, et que lorsqu'il a fallu bâtir une industrie aéro-spatiale, c'est bien l'état, donc un moins mauvais actionnaire que d'autres, qui s'y est collé. C'était à l'époque où le papa Lagardère construisait juste de petits véhicules à 4 roues qui dépassaient à peine le 200 km/h  et encore, dans les courses.

Cette semaine, et fidèle à son habitude (on l'a vu au Mont Saint Michel et se baladant entre les croix de Douaumont, il a du faire des pèlerinages  à Esternach) ; il change d'avis, intervient à Toulouse pour demander l'intervention de l'Etat et fustige l'Euro, « chaque fois que l'euro prend 10 centimes, on fait perdre un milliard à Airbus » Comprenne qui veut : voilà Ségolène ventriloque et personne dans la presse ne relève ni le changement d'attitude, ni le « retour » à l'interventionnisme d'état en matière d'économie. Juste relève-t-on les ricanements de Sarkozy et les glapissements de Breton, moquant la volonté  des socialistes d'inviter les régions à entre dans le capital d'Airbus.

Il a bien fallu qu'ils suivent, s'ils ne voulaient pas être abandonnés par l'opinion. Triste journalisme pour un début de siècle.

 

Pour revenir au rôle de l'état dans la sphère économique, il est inévitable et nécessaire. Que ce soit au XVIème siècle avec l'Acte de navigation de Cromwell (Royaume-Uni) ou, dans le m^me état, les lettres de courses qui permettaient à des pirates de ramener de l'or pillé dans les colonies des « ennemis » jusqu'aux caisses de l'état (ce fut aussi un moyen utilisé par d'autres princes), l'interventionnisme était  disons naturel. Colbert, sous Louis XIV, encouragea de cette façon les industries de luxe, subventionnant les installations d'entreprise, favorisant les achats royaux et débauchant des spécialistes étrangers : déjà l'immigration sélective.

Plus près, aux Etats-Unis d'Amérique, ruinés par une des aberrations du système capitaliste-sauvé un moment par la première guerre mondiale-, la spéculation aventureuse, ancêtre du néolibéralisme lié aux dérives boursières, Roosevelt imposa, difficilement, une politique d'intervention de l'Etat dans les affaires économiques.

C'est d'ailleurs l'état le plus fidèle à ce genre de politique, avec la Chine actuelle, et depuis la disparition de l'URSS : l'industrie des Etats-Unis fonctionne essentiellement, et ce notamment dans les secteurs clés et les technologies récentes, sur les matériels de guerre, auxquels tous les constructeurs sont associés (automobiles , avion, missiles, astronautique) et la NASA. La suprématie des Etats-Unis s'explique par les fonds énormes de l'état fédéral mis à disposition des grands industriels, recherche comprise. Mais l'état intervient aussi chez l'oncle SAM dans les domaines agricoles, la protection des produits locaux (on l'a vu avec Harley Davidson) et l'encouragement aux exportations ( matériels militaires, arme verte :  menace de rétorsion alimentaire par ex).

 

Le problème Airbus se pose uniquement parce que les états qui ont mis en place les programmes, à une époque de volontarisme industriel (De Gaulle, Pompidou) ont abandonné la doctrine (positive) pour céder aux mirages du néolibéralisme anglo-saxon.

Sans les états (français en particulier) ni Caravelles, ni Mirages, ni Concordes, ni Airbus, ni Ariane, ni….rien ! Les industriels, les Lagardères et Bouiguhes de l'époque, n'auraient rien investi, rien sentis des temps à venir. Ils auraient continué à fabriquer des vélos, au mieux des petites autos (avec des moteurs Ford de Taunus 12 MTS, pour les initiés).

 

Les Etatsuniens le savent bien : pour avoir une industrie performante, il faut une volonté politique –même si, de l'autre côté  de l'Atlantique, sous la pression des assemblées, à majorité des milliardaires, on confond l'état avec les intérêts privés des classes dirigeantes, comme le montre l'affaire de la guerre d'Irak.

Nous devons  faire intervenir l'état chaque fois qu'il est nécessaire, sachant que les sommes investies pour sauver des emplois coûtent toujours moins chers que le coût social de leur suppression. Sarkozy en paraît convaincu, lui qui vante ses hauts faits pour la défense d'Alsthom, alors qu'il est plutôt….néo-libéral (quand ça l'arrange : dans le cas Airbus, vu les échéances, moins)

Et je suis sûr que pour une fois, parce qu'il y  va de leur intérêt particulier, même les commerçants, petits et grands, des zones touchés par la crise Airbus, seront d'accord pour l'intervention de l'état, bien qu'ils  votent en majorité à droite. Le porte-feuille remplace parfois avantageusement la cervelle.

 

Sous Raymond Barre, nous avons payé l'impôt sécheresse, qui nous fut remboursé, je crois, 4 ans plus tard.

Airbus a des commandes, Airbus reste bénéficiaire, Airbus fut mal géré (par la faute de ses actionnaires, dont l'état) par des cadres dont l'un (son nom ?) ne me parut pas très clair à l'époque, et comme dirigeant, et comme gestionnaire, et comme homme. Pourtant choisi par « des actionnaires avisés » comme dirait Sarkozy. Encore un de ses amis peut-être ? on sait combien -et par qui- il aime être entouré.

« Il n'est pas logique qu'on aille prendre de l'argent au contribuable » dit Bayrou dénonçant le projet de Ségolène d'un actionnariat  régional. Mais il souhaite l'intervention de l'état, donc des contribuables. Difficile de défendre le capitalisme par les temps qui courent, pas vrai : on se prend souvent les pieds dans le tapis.

Toujours est-il qu'on s'oriente (Villepin compris) vers un plan de relance de l'actionnariat dans un projet plus ou moins piloté par les états. Sarkozy va nous emballer ça avec des grandes phrases et des grands gestes .

Je suis d'accord pour un « impôt » (qui serait plutôt une sorte d'obligation d'état) ciblé « EADS-France », ça aurait plus de gueule que « Airbus », qui fait trolleybus, remboursable dans 4 ans, avec les intérêts , comme les actionnaires. A terme, planification du rachat des parts de Lagardère et de Mercédès, retour à la nationalisation par l'actionnariat populaire évolutif (l'état en fait rachetant les « actions-impôt » suivant un plan à définir, avec choix des citoyens imposables). Ensuite on fait pareil avec les autoroutes –là Bayrou dira rien puisqu'il s'était fort justement opposé à leurs privatisations-cadeaux). Et on continue doucement : on a un siècle pour le faire, cependant que le néocapitalisme continuera à s'effriter sous les coups tordus des chinois.

Le XXIème siècle sera inattendu pour les économistes.



* Il n' y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Les imbéciles aussi peuvent changer d'avis.


 



05/03/2007
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