toupour le zooh

Hypocrites et compagnie

Hypocrite-Circus

 

Les récentes déclarations de Marine Le Pen à propos de la viande Halal, puis celle de François Fillon qui mettait en doute sur cette question  la pertinence de la tradition ont amené à se poser plusieurs questions.

Les deux plus intéressantes portent sur, d’une part, les méthodes utilisées dans le cas des deux religions de Livre dont il est question pour tuer les animaux de boucherie. La seconde interroge de façon frontale l’origine des traditions et leur pérennité.

 

La première s’adresse à chacun , quelle que soit sa religion. Pour avoir vu sur internet la façon dont meurent (dont « sont tués » me paraît plus futile) les ovins et les bovins : c’est ignoble ! (une parenthèse s’impose pour remarquer que les porcs, animaux impurs, sont trucidés avec tous les égards dus à leur importance dans notre régime alimentaire – voir un vieux texte me semble-t-il, de Vauban !).

Je dis que c’est ignoble dans notre société actuelle, où nous avons les moyens, mis à disposition, pour les croyants, par un Dieu qui a veillé au développement de nos technologies, de mettre à mort notre « viande » de façon à ce que les animaux souffrent moins.

Les grands discours sur la tradition laissent pantois, qui voudraient par exemple que la tête de l’animal soit en même temps tournée dans une direction précise – je rappelle que si la tête du poulet est tournée dans la bonne direction, celle du bec par exemple, son regard lui est perpendiculaire et, faute de tourner deux fois la tête du volatile à gauche, puis à droite, comme lorsqu’il vise un vermisseau, il a peu de chance, avant son lamentable égorgement – que ma grand-mère, mon père et moi-même avons pratiqué à la campagne – d’entrapercevoir aucun mirage venant d’un quelconque oasis lointain.

 

Il reste que certaines communautés sont attachées à ces traditions. C’est le mot qui est le plus souvent employé, sans référence précise à une obligation divine, tant il est vrai qu’à une époque où les dix commandements les plus essentiels sont plutôt moins suivis que la façon de laver la vaisselle ou de faire la cuisine, la divinité serve plutôt de caution lointaine que de fondement à une éthique de vie. La faute peut-être justement à des traditions trop complexes, qui se sont empilées au cours du temps, parfois contradictoires et qui ont perdu leur pertinence.

Comment les gens du Livre – les Chrétiens ont heureusement liquidé la plupart de ces obligations quand ils se sont intéressés à la genèse des écrits qui ont fondé le christianisme, c'est-à-dire il y a peu – vont-ils pouvoir concilier l’affection – voire la pitié- envers les animaux ( ce qui fait que, lorsqu’on les voit, on sait qu’ils sont un peu nous ; mais ce n’est peut-être pas un sentiment qu’ils connaissent ) et le goût pour la viande ?

Comme on ne peut pas leur conseiller de manger du porc –il n’est certainement pas prévu pour la gent porcine des coutumes sacrificielles précises – je ne vois d’autre solution que de devenir végétarien.

Ce qui a tous les avantages : ils pourront, sans contrevenir aux usages, aller se faire cuire un œuf.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le second point interroge la tradition. Et les réponses qui sont données, notamment par monsieur Bernheim, président du CRIF.

Le discours ne s’appuie pas, ou peu, sur une quelconque décision divine qui procéderait, comme parfois, de la promesse ou de la menace, en cas de non-observation d’un ordre venu du Très-Haut. Monsieur Bernheim voit dans la Tradition (notez que j’ai utilisé la majuscule, on ne saurait faire moins) une sorte de transcendance définitive : la coutume serait sacralisée par sa continuité dans le temps. Déraillement de la raison ? Aberration du bon-sens ?

Toutes les traditions disparaissent, n’en déplaisent aux chasseurs. Les immolations ont disparu d’une bonne partie de la surface de la terre. Les Gaulois, comme les Phéniciens, les Grecs pratiquaient les sacrifices humains. Qui se plaindra de la disparition d’une telle  tradition.

Plus près de nous, nous sommes scandalisés – juifs et musulmans peut être aussi – de la tenue vestimentaire traditionnelles des femmes de certaines régions d’Afghanistan. Pouvons-nous souhaiter, pour elle la pérennité ad aeternam d’une telle coutume ?

Combien de traditions ont ainsi disparu au cours des âges humains. La plupart sans doute. Un jour, les descendants de ces traditionnalistes souriront devant les étranges coutumes de leurs ancêtres, quand ils n’en seront pas scandalisé.

 

Un dernier point : il fut un temps où l’Eglise condamnait le peuple juif, coupable d’avoir livré le Christ aux forces d’occupation romaine. Ce qui, conformément à la religion chrétienne, était vrai, bien que faux pour les Israélites, qui ne se reconnaissent pas dans les Evangiles.

 Au nom de cette culpabilité, la tradition chrétienne voulait qu’en cas de crise, les ghettos juifs soient attaqués, incendiés, les habitants molestés, massacrés. Cette tradition – fallait-il la conserver ? - a vu, dans les années 1930-1945, son point culminant de bêtise et d’atrocités dans ce qui fut appelé le Shoah, par ceux la même qui en furent victimes.

L’Eglise catholique a heureusement depuis condamné ce jugement et la tradition, au moins en Europe, a disparu. On peut espérer que cela perdure.

 

Monsieur Bernheim est le  représentant de  ce que les Evangiles nomment un Pharisien : quelqu’un qui place les rites – gestes, paroles, postures- au-dessus de l’esprit de la parole divine. C'est-à-dire, s’il en a conscience, un hypocrite. S’il n’en a pas conscience, un personnage irresponsable. Dans les deux cas, dangereux.

Car  à s’arc-bouter sur des traditions , dont il sait qu’elles ne sont déjà plus que des vestiges, simplement pour maintenir la cohésion d’un groupe social, le sien, SA communauté juive, il sait qu’il court une fois de plus le risque de la désigner – au nom d’une sorte de sacralisation factice des rites, de-ce-qui-se-voit – à la vindicte d’autres groupes sociaux, pas meilleurs certes, mais dont la cohésion fragile pourra se faire contre le sien.

 

Calcul alors ? Peut-être. Mais la victimisation s’use à trop servir : il y faut mesure et discernement.

 

Quant à la viande hallal que nous consommons sans le savoir ni le vouloir, vous parait-il normal que nous payions pour l’acheter l’imam délégué à la surveillance de l’abattage, taxe qui devrait apparaître, j’imagine, sur les futures étiquettes prévues par le Président Sarkozy.

 



15/03/2012
0 Poster un commentaire