toupour le zooh

en attendant l'année dernière

 

Je crois bien que le titre de  mon texte est celui d’un livre de Philippe K. Dick. Il croyait  écrire des livres de science-fiction quand c’était plus sûrement des ouvrages d’anticipation, tant la réalité dépasse aujourd’hui et dans un même élan la fiction et l’affliction.

Le dernier ouvrage de Frank Olivier Gisbert, dit FOG dans les magazines, plutôt je pense par une ironie visant son sens (politique) improbable de l’orientation dans une sorte de brouillard tout britannique, que par économie de lettres ou de mots, rejetant loin de moi l’idée qu’il pourrait s’agir d’une courtoisie républicaine, le mot désignant la guillotine à la fin du XVIII ème siècle, pendant les événements que vous savez.

Donc FOG écrivant La Tragédie du Président, le titre désignant Chirac, ou plutôt ce qu’il en reste, après les avanies d’un dernier septennat, où 22 % des électeurs désignent au poste suprême la marionnette des Guignols, élue au second tour à la suite d’une méprise et d’un référendum populaire sans précédent. Nous voulions (presque tous) la République.

Que FOG mette à mal l’illustre et néanmoins falot Président actuel ne me fâche pas : on a vu tirer sur le pianiste et l’ambulance des gens moins adroits.

J’ai lu des billets du jeune homme que nous étions  lorsqu’il écrivait dans le Nouvel Observateur*, auquel je fus abonné. Et quelques ouvrages, peu : je les achète chez les chiffonniers d’Emmaüs, près de Bayonne, à l’occasion. Ces ouvrages dits politiques prennent alors un quadruple intérêt : ils coûtent alors dix fois moins chers que le neuf, c'est-à-dire le prix qu’ils valent ; le coût en est versé à une association caritative , dont les bénévoles et les personnes prises en charge travaillent ensemble dans le magasin ; les livres sont en quelque sorte indéfiniment recyclés, puisqu’une grande partie rejoint les rayonnages en fin de vacances ; enfin et surtout, les textes de ces livres politiques qui fleurissent ( j’hésite sur le verbe, mais l’engrais étant ce qu’il est, je le garde) à la veille des élections, prennent une épaisseur, y gagnent un humour, s’augmentent d’une dimension peu mesurable lorsqu’il se lisent en situation, sur le moment.

Ne lisez jamais l’un de ces ouvrages aussitôt qu’ils paraissent : au pire, achetez-les, mais ne les lisez pas. Comme un bon vin, laissez les vieillir, un an, deux, peut-être trois ans. Posez les sur un rayon de votre bibliothèque, au besoin avec une étiquette visible indiquant la date de parution et en gros : « à na pas lire avant…. » et indiquez une date de consommation . L’usage vous guidera, avec l’expérience : certains auteurs se gardent bien et gagnent à se laisser vieillir dix ans, vingt ans même. C’est le cas des ouvrages sur la Chine ou l’Union soviétique.

Certains , comme les vins blancs, trop soufrés et un peu souffreteux – c’est certainement le cas de celui qui nous occupe, je vous donnerai mon avis d’ici deux ans - , voire vaguement déliquescents quelques mois après leur parution –on peut parier sur le dernier Duhamel, déjà plus périmé que les Croix de bois, qui ont bien résisté aux deux guerres et à la prochaine -, certains, donc, sombrent, faute de perspective, dans les eaux troubles d’un port brumeux, et on retrouve… l’ami FOG.

Je n’ai rien contre le personnage, dont j’ai écouté le discours construit autour du lancement de son bouquin. Mais qui le paie ?

Si ce sont ses opinions, rien à dire. L’aveuglement convaincu est une sorte d’honnêteté. Encore que, dans le domaine politique…Cela me rappelle une toile célèbre « L’aveugle guidant le paralytique » Gisbert et Duhamel, avec en fond un laboureur et au loin un bateau. Je verrais ça assez bien.

Voilà Chirac descendu en plein non-vol. Le constat : IL N’A RIEN FAIT. C’est vrai qu’hormis le refus d’entrer dans la guerre d’Irak, mouvement d’opposition à la détermination étasunienne qui permit de regrouper les volontés pacifistes–et avec quelque raison- européennes, le dernier quinquennat –mais attention, ce n’est pas fini, il arrivera peut-être à nous débarrasser de Sarkozy comme il a écarté le petit Bush- a été plutôt faiblard.

Mais Chirac a montré plusieurs fois son attachement personnel, et contre la droite de « son » parti (parti !), à la République et à un modèle social qui fonctionne….encore.

 

Et l’histoire, plus tard, pourra lui rendre un hommage tardif et mérité : celui d’avoir laissé passé la vague destructrice du néo-libéralisme qui s’éteint déjà –faillite des modèles étatsunien, royaumunien, et des satellites , Italie berlusconienne, Pologne onnesaitpasquoi etc. Sans augurer des scandales à venir.

Sauf à asseoir un modèle néolibéral-totalitaire (la tentation est grande outre-atlantique), le néolibéralisme, c’est terminé, la faillite est annoncée, la Chine s’est engagée, en entrant dans l’OMC sans en respecter les règles, dans une destruction étatiste du modèle occidental, les Amériques se libèrent de la tutelle étatsunienne.

Chirac, peut-être par respect pour notre démocratie particulière, et par tradition familiale et radicale, a permis à la France de traverser sans trop de dommages cette péripétie économique, soutenu chaque fois qu’il le fallait, et contre ses propres troupes - l’histoire a de ces ironies- par la volonté démocratique d’un peuple républicain. Gaulliste fidèle, il a su, à sa taille, et à la mesure de son époque et de son talent, résister à l’hégémonie d’un modèle d’économie illusoire et passager.

C’est peut-être cela que n’a pas compris Frank Olivier Gisbert : les peuples ont les hommes politiques qu’ils méritent. Les français ne méritaient pas mieux. Mais, demain,  ils ne mériteront pas pire.

Ne reprochons pas, dans le même élan polémiste, à FOG d’avoir changé plusieurs fois de bord politique. Le voici, paraît-il , dans le camp des néolibéraux-conservateurs aux côtés de Sarkozy. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, me direz-vous.

 

Mais je connais aussi des imbéciles qui changent d’avis.

 

 

 

*me semble-t-il, ou alors je confonds

 

 

 

PS ( pour scriptum) : entendu à la télévision ce midi la présentatrice utilisant, pour parler des trois projets de Dominique de Villepin, le mot « chantier ». Je ne sais pas si c’est le mot employé  par notre désormais premier démininistre, mais le mot « chantier » me paraît un peu fort, voire imprudent, en tout cas de mauvais augure,  sachant le « chantier » que le précédent a causé.



16/04/2006
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