toupour le zooh

des statistiques ignorées

De l'usage des statistiques


Les journalistes, comme les politiques, ignorent les statistiques. Ou, quand ils s'en servent, les manipulent, volontairement ou non, pour leur faire dire n'importe quoi, ou son contraire. La plupart du temps, s'ils les connaissent, ils les interprètent de façon hâtive, à la lumière de leur idéologie quand ils en ont une, de leur ambition qui est bien réelle, de leur ignorance, pour laquelle ils ont des indulgences, sinon des bontés.


Ainsi pour expliquer la passivité des populations devant l'indécence du chômage – indécence de la quantité de chômeurs, indécence du traitement des chômeurs (et du chômage), indécence des discours sur le chômage – ne fait on jamais appel à un chiffre imparable : celui qui concerne le vieillissement de la population. Imaginerait-on une telle situation (près de 4 millions de chômeurs en France, de 5 à 6 millions en Allemagne,) sans mouvements sociaux violents, dans un pays où la moitié de la population aurait moins de 20 ans.

L'Europe est irrémédiablement vieille : plus de la moitié de ses habitants ont plus de 45, dans certains pays plus de 47 ans : c'est ce qui explique la passivité sociale, le triomphe des politicards qui appuient leurs campagnes électorales sur la sécurité (et au besoin créent les conditions, médiatiques ou réelles, d'une insécurité permanente ou à « rebondissements » ), la fragilité de tous les systèmes sociaux mis en place, qu'ils soient privés (pays anglo-saxons) ou publics ( alors qu'on nous rabat les oreilles avec les « mauvaises gestions »), et même le triomphe du capitalisme financier – et son auto-destruction/renaissance périodique – qu'alimentent des Fonds de pension congestionnés de caisses de retraite nourries par des empilades d'emprunts. La stagnation relative du chômage en Europe ne s'explique pas, pour l'essentiel, par des mesures étatiques ou des initiatives privées : elle s'explique simplement par le remplacement de travailleurs en âge de retraite par des travailleurs plus jeunes…et moins nombreux,


Il me revient une table ronde d'éminents spécialistes s'interrogeant sur la baisse brutale et inexpliquée des performances de TF1. S'acharnant à en trouver les causes dans les programmes – les contenus, la grille…- dans les présentateurs et présentatrices – trop vieux, trop anodins, trop lisses, trop…-, dans la concurrence –plus inventive, plus dynamique, plus moderne, plus à l'écoute…-, ils oubliaient simplement que la génération des postes de télévision branchés à l'usine sur une priorité à TF1 avait brusquement été remplacée par des écrans plats, sans priorité de chaîne et qui s'étaient généralisés en quelques mois, sans possibilité de remplacer le vieil écran à tube cathodique par un plus récent : disparu des rayons, même des marchands d'occasion. J'ai vainement essayé de remplacer le mien.


Ainsi en est-il des chiffres : les journalistes préfèrent, par paresse ou ignorance, le cumul n'est pas interdit, par intérêt aussi, se focaliser sur un sondage demandé par l'Elysée et portant sur 240 personnes- un panel significatif dit-on, pour le rendre crédible, - et dont les résultats sont conformes au message de propagande voulu par le ministère du pas-même-nom.


Il y aurait beaucoup à gagner pour notre démocratie vieillissante et fragile (ô combien) à s'intéresser aux statistiques portant sur l'âge des habitants de notre pays et la répartition des groupes d'âge sur le sol national. On comprendrait mieux les bouffées de violence dans certains espaces géographiques, qui ne sont pour l'essentiel, que les manifestations exacerbées (et compréhensibles) d'une jeunesse abandonnée par une population vieille, gouvernée par des vieux et dont la jeunesse globalement est prise dans l'empathie conservatrice et totalitaire d'une population plus inquiète de sécurité que d'avenir, plus attachée à son cocon confortable qu'au futur de ses enfants.


Qu'elle ne reconnait pas.




12/10/2009
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