toupour le zooh

des nouvelles de Guyane

J'ai reçu ce courrier de Guyane, qui, fait état de conduites policières plus que discutables dans ce département d'outremer. Evidemment, aucun échos dans la presse nationale : peut-être faudra-t-il attendre le prochain numéro de "Courrier International"?



Sans (autre) commentaire.


                                              **************


Bruno de Montaigne Cayenne, le jeudi 12 juin 2008

Cité Grant

72 rue Eudoxie Vérin

97300 Cayenne



A l'Attention de Madame le Procureur de la République

Tribunal de Grande Instance de Cayenne




« La garantie des droits de l'Homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »

Article 12 de la Déclaration
des droits de l'Homme et du citoyen





Madame le Procureur,


Je tiens par cette lettre à attirer votre attention sur quelques situations récentes où le comportement des forces de l'ordre m'a personnellement choqué et indigné.


Tout d'abord, j'ai fait partie du groupe de manifestants du collectif de défense de l'école en Guyane qui ont bloqué pacifiquement l'accès à la zone commerciale Collery le jeudi 05 juin entre 9h00 et 10h30. Des altercations ont eu lieu avec un certain nombre de personnes opposées à notre mouvement. Ces personnes se sont montrées agressives et violentes à de nombreuses reprises. A cette occasion, j'ai d'ailleurs reçu un violent coup derrière la tête asséné par une palette en bois lancée par une de ces personnes. Je tiens à noter qu'à cet instant, aucun policier ne semblait être présent sur les lieux pour assurer l'ordre public et calmer les plus excités. Cependant, les forces de l'ordre étaient bien présentes quelques dizaines de mètres plus loin puisqu'elles ont procédé à l'arrestation de six collègues qui tenaient le barrage à l'autre entrée de la zone commerciale.


Après avoir passé plusieurs heures à l'hôpital, j'ai été très choqué d'apercevoir un de mes collègues, arrêté le matin, arriver aux urgences encadré par trois policiers et menotté !


Je tiens à réaffirmer avec force que nous ne sommes pas des bandits ! ! !


Nous sommes des professeurs, des parents, des citoyens qui cherchons à nous faire entendre du gouvernement afin d'améliorer quelque peu les conditions de scolarisation dramatiques et scandaleuses de l'ensemble des élèves guyanais. Qui plus est, nous travaillons pour beaucoup d'entre nous en collaboration régulière avec les forces de l'ordre dans le cadre d'activités éducatives de prévention ou dans la lutte contre l'absentéisme et la violence scolaire. La lente radicalisation du mouvement n'a pas pour but de troubler l'ordre public, ni de nuire aux personnes, mais vise au contraire à l'ouverture de réelles et véritables négociations.


Dans son rapport annuel paru en avril 20081, la très officielle Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité dénonce le « recours au menottage banalisé ». Elle rappelle l'article 803 du Code de Procédure Pénale qui encadre l'usage de la coercition et stipule que seules trois possibilités permettent légalement l'usage des menottes : le danger potentiel pour autrui, le danger potentiel pour soi-même et la possibilité de prendre la fuite. Il semble plus qu'évident qu'aucun de ces cas de figure ne s'appliquait à mon collègue.


J'ai informé de tout ceci les fonctionnaires de police afin qu'ils retirent les menottes à mon collègue, ce qu'ils ont refusé de faire. Ironie de l'histoire, mon collègue a fait valoir la possibilité légale de voir un médecin lors de sa garde à vue car il se plaignait de douleurs aux mains suite à un menottage trop serré !





Par ailleurs, j'ai voulu déposer plainte au commissariat central de Cayenne un peu plus tard dans l'après-midi.


J'ai été scandalisé une fois de plus en constatant qu'un des contre-manifestants les plus violents lors des altercations du matin (M. Mizzi) était reçu immédiatement pour déposer plainte pour un rétroviseur cassé alors que d'autres personnes attendaient déjà dans le hall du commissariat et que moi-même, victime d'un traumatisme crânien, je devais patienter plus d'une demi-heure. La charte d'accueil des usagers affichée dans le hall stipule pourtant que les victimes d'infractions pénales sont reçues prioritairement. Vous comprendrez donc aisément mon indignation.


Alors, lorsqu'un des fonctionnaires de police présents, collaborateur du capitaine Arnaud et déjà bien connu des manifestants2, m'a répondu que pour lui, un rétroviseur et des coups et blessures étaient équivalents, j'ai préféré partir avant que ma colère légitime ne m'entraine à répondre d'outrages à agent. J'ai pu néanmoins déposer plainte auprès des services de gendarmerie le lendemain.





Enfin, ce jeudi 12 juin, vers 7h10, avec ma compagne et un collègue, nous voulions être présents symboliquement lors du dépôt de gerbe effectué par M. Jégo, secrétaire d'état à l'Outre-mer, sur la place du coq. Nous avions juste prévu d'être visible (habillés de rouge), de tenir un panneau avec un slogan (« défendons notre école ») et de distribuer quelques tracts. En aucun cas, faut-il le rappeler, nous ne voulions troubler l'ordre public.


Nous avons été assez brutalement interceptés par les forces de l'ordre. Nous avons été tous les trois profondément choqués par les propos tenus par l'un des officiers de police présents : « tu vas pleurer ta mère », « vous commencer à m'emmerder », « on va vous faire comprendre… », etc. Il est extrêmement alarmant d'entendre un responsable hiérarchique s'exprimer ainsi alors qu'il est sensé être le garant de l'application du code de déontologie de la police nationale3.


Lors de la fouille au corps, le téléphone portable et l'appareil photo de mon collègue ont été jetés au sol sans aucune précaution. Ensuite, afin de procéder à une vérification d'identité, nous avons tous les trois été emmenés menottés ! Encore une fois, il me semble qu'en aucun cas nous ne présentions une menace pour l'ordre public et que l'emploi des menottes n'était pas fondé.


Il faut noter que cette fois, les agents ont été sensibles au rappel que nous avons fait du Code de Procédure Pénale et du rapport de la CNDS puisqu'ils nous ont rapidement retiré les menottes. Néanmoins, si le respect des procédures pénales dépend de la vigilance même des personnes interpelées, il parait évident que le risque de dérapage est plus qu'inquiétant ! ! !





Il n'en reste pas moins que ces trois incidents se situent dans un contexte où les forces de l'ordre semblent obéir à des consignes de plus en plus strictes qui, me semble-t-il, flirtent dangereusement avec les limites de la légalité : usage intempestif des gaz lacrymogènes contre des parents d'élèves, des lycéens et des enseignants à Cayenne et à Saint-Laurent ; brutalités policières à Saint-Laurent4.


C'est pourquoi je tenais à vous faire part de mon ressenti sur ces incidents afin que la dignité des personnes, le respect des procédures et l'égalité de traitement des citoyens soient observées le plus scrupuleusement possible.


Vous remerciant pour l'attention que vous voudrez bien accorder à mes propos, je vous prie d'agréer, Madame le Procureur de la République, l'expression de ma respectueuse considération.








Copies adressées à la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité

à la ligue de droits de l'homme, section de cayenne

aux sites internet http://www.blada.com et http://www.guyaweb.com

aux médias

1 www.cnds.fr

2 http://www.dailymotion.com/relevance/search/education%2Bguyane/video/x5hxxg_le-dialogue-vu-par-le-rectorat20-ma_news

3 http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/deontologie/code-deontologie/
Art.7 : […]Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes […]
Art. 10 : Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant.


4 Diverses vidéos consultables sur le blog du mouvement :
http://pouruneecoledequaliteenguyane.travelblog.fr/



17/06/2008
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