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Déchéance nationale : parlons en

A propos de la déchéance de nationalité prévue dans le cadre de la révision constitutionnelle à venir



Il est difficile de faire le point sur cette proposition de déchéance de nationalité dont on parle dans tous les médias.

On sait que le texte doit être proposé au vote des deux assemblées réunies en Congrès dans le cadre d'une modification de la Constitution, proposition de modification faisant suite à la situation de l’État d'urgence.

Mais je n'ai trouvé le texte – que je me proposais de recopier » nulle part sur internet. J'en conclus qu'il n'est pas définitif. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que plusieurs sites font état d'une possible correction du texte original dans les jours qui viennent.



Si la décision semble définitive du côté de l’Élysée, elle divise à la fois la gauche mais aussi la droite, quand le FN bat des mains. Pourtant, en raison de l'état d'urgence dans lequel nous devrons vivre encore plusieurs années – même si l’État d'urgence est levé – elle peut sembler justifiée même à gauche.

Qu'en est-il ?

Voici l'article 1 de la constitution modifié par LOI constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet ... - art. 1

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.

Retenons « l'égalité devant la loi de tous les citoyens »

Il n'est pas assuré que la proposition du gouvernement soit conforme à la Constitution car elle prend le risque de déterminer deux catégories de citoyens

  • les citoyens de catégorie « plénière » qui ne peuvent pas perdre leur nationalité

  • les citoyens visés par le texte – citoyens bi-nationaux- qui peuvent perdre la nationalité française.

  • Cette disposition entre déjà depuis plusieurs années dans le cadre de la loi.

    En effet, qui est visé par cette modification de la Constitution ?

  • Je cite :

  • « Le champ de cette disposition sera strictement limité et s’appliquera aux personnes condamnées pour des crimes contre la nation et pour le terrorisme. Seule une condamnation définitive le rendra possible. En aucun cas cela permettra aux auteurs d’un crime terroriste d’échapper à la justice", a détaillé Manuel Valls à la sortie du Conseil des ministres mercredi 23 décembre. »

    Il s'agit de personnes condamnées par la justice. Cette disposition entre déjà depuis plusieurs années dans le cadre de la loi. Je cite :

« L'article 25 du Code civil prévoit qu'un individu «qui a acquis la qualité de Français» depuis 15 ans ou moins peut être déchu de la nationalité «s'il est condamné» pour un crime ou délit précis, tel que «l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation», le «terrorisme» ou encore le fait de se livrer au profit d'un État étranger «à des actes préjudiciables aux intérêts de la France».

Cette déchéance est prononcée «par décret, après avis conforme du Conseil d’État». La disposition est peu usitée. Selon le ministère de l'Intérieur, 26 déchéances de nationalité ont été prononcées depuis 1973, dont 13 pour terrorisme. »

En quoi alors, outre le fait de faire entrer cette disposition l égale dans la Constitution, est-elle à la fois nouvelle et sujet à polémique ?

Je cite :

« Le projet passe par une révision de l'article 34 de la Constitution. Celle-ci vise à rendre possible une déchéance de nationalité «pour les binationaux nés Français», et plus seulement pour ceux qui ont acquis la nationalité. Les Français n'ayant pas d'autre nationalité ne seront pas concernés, pour éviter de créer des apatrides, selon une disposition de la loi Guigou de 1998. »



C'est l'étendue dans la durée de citoyenneté : jusqu'à ce jour, seuls sont visés les condamnés binationaux depuis 15 ans ou moins. L'antériorité est étendue en-deçà de 15 ans, et vise les binationaux nés sur le sol français, donc français de fait.

Il y aurait donc d'une part des français nés en France mais ayant conservés la nationalité de l'un de leur parent, et d'autre part des français mono-nationaux dont on ne pourrait pas prononcer la déchéance de nationalité, puisqu'ils resteraient sans nationalité, don apatrides, ce qui est interdit par les accords internationaux.

Ce qui du point de vue juridique risque d'être à terme une source de conflits, de procès interminables etc.

Mais ce qui choque les Républicains de gauche comme de droite, c'est qu'elle introduit, en mettant en place une citoyenneté à plusieurs vitesses, en plus des problèmes juridiques qu'on devine, un voire plusieurs éléments de division dans la communauté nationale.

Parce qu'elle vise, en raison de la situation internationale actuelle, les citoyens français musulmans. Qui risquent de se déterminer, souvent à leur corps défendant, selon des choix d'exclusion :

  • soit je suis d'abord français ; soit je suis d'abord ( compléter par un état à majorité musulmane). Dilemne difficile sinon insoluble pour quelqu'un qui a toujours voté en France et peut être un élu.

Auquel cas la communauté nationale, qui se fonde sur une égalité hors origine et religion, devient de fait une société de communautés à dominante religieuse, comme dans les états anglo-saxons.

On est loin alors de la République Française.

Avec pour corollaire, cette ambiguïté : les terroristes ont intérêt à choisir une seule nationalité et par prudence, la nationalité française.



D'autres problèmes se posent, parallèlement ; Deux exemples :

  • Que faire des binationaux condamnés, ayant perdu la nationalité française, qui, ayant accompli leur peine, seront reconduits au pays de leur seconde citoyenneté ? L'état voisin ne risque-t-il pas de les refuser ?

  • Qu'en sera-t-il des binationaux français accusés puis condamnés pour terrorisme dans un pays étrangers, dont on sait que quelques uns ont la main lourde pour les étrangers favorables à des partis d'opposition ?

  • Qu'en serait il en France si un gouvernement totalitaire utilisait cette disposition pour mettre en place une politique d'exclusion musclée ? Les démocraties sont fragiles, on l'a vu plusieurs fois.

  • Il y a tant de statuts de binationalités que les juristes s'y perdront ;



Dernier point : cette nouvelle disposition est-elle utile :

  • Peut elle dissuader de jeunes aventuriers de partir pour le Djihad ? NON, bien sûr.

  • Est-elle un PLUS par rapport à l'existant ?

  • Ce n'est pas certain parce qu'il existe un texte de 1945 qui prévoit et organise ce qu'on appelle l'indignité nationale. Punie de la peine de « dégradation nationale », à perpétuité ou à temps (cinq ans et plus).

  • La dégradation nationale entraîne la mise au ban du condamné et faisait partie des peines afflictives et infamantes. Il perd bon nombre de droits :

  • exclusion du droit de vote,

  • inéligibilité,

  • exclusion des fonctions publiques ou semi-publiques,

  • perte du rang dans les forces armées et du droit à porter des décorations,

  • exclusion des fonctions de direction dans les entreprises, les banques, la presse et la radio, de toutes fonctions dans des syndicats et organisations professionnelles, des professions juridiques, de l'enseignement, du journalisme, de l'Institut de France,

  • interdiction de garder ou porter des armes.

    Le tribunal peut ajouter des interdictions de séjour et la confiscation de tout ou partie des biens. Le versement des retraites est également suspendu.

Il s'agit d'une peine de citoyenneté réduite au minimum, modulable, qui aurait aussi cet avantage de pouvoir punir même les citoyens français nés de parents français (on sait qu'ils sont nombreux en Syrie) dans toutes les conditions prévues en 1945 mais qui pourraient être étendues en tenant compte de la situation actuelle. Et cela éviterait la scission de la communauté nationale, parce qu'elle élargit la capacité de la loi à s'appliquer à tous les français, binationaux ou non, sans tenir compte des dates ni des origines. Une scission dont nous n'avons pas besoin actuellement : nous sommes en état de guerre !!

La cohésion nationale avant tout.

Je lis ce matin dans l'Est, l'interview de Dominique Potier, notre député à ce propos, sous le titre : « Dominique Potier veut débattre ». Opinion raisonnable qui se termine par une incitation à « sortir parle haut ». Mais je ne vois qu'une solution où le gouvernement ne perde pas la face (une fois de plus) : lier par un texte sans ambiguïté la déchéance ou l'indignité puis la dégradation nationale au texte s concernant l’État d'urgence, donc limiter la mesure dans le temps .



30/12/2015
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