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Un courriel de Grégory Veux, artiste

« Rien ni personne… » ou je me souviens de Nicolas Sarkozy
 par Grégory Veux
 
 
Nicolas Sarkozy semble exercer sur ceux qui l’entourent et sur ceux qui envisagent de voter pour lui une fascination remarquable. C’est un chef autoproclamé et la persistance avec laquelle il clame sa future victoire fait croire à ceux qui le veulent bien à la victoire promise.
 
Sans appartenir à aucun parti, mes valeurs sont diamétralement opposées aux siennes. J’ai une conscience politique citoyenne, j’observe et j’essaie de confronter ce que je vois, ce que j’entends et ce que je lis à ma réflexion critique.
A la veille du premier tour de l’élection présidentielle, je veux me livrer à un devoir de mémoire citoyen sur l’action passée et les propositions de Nicolas Sarkozy.
 
Je me souviens, à la manière de Perec, de ce discours que Nicolas Sarkozy avait prononcé lors d’un congrès de l’UMP (Jacques Chirac était hospitalisé et Dominique de Villepin émergeait alors comme successeur possible). Il était question d’organiser des primaires au sein de l’UMP et Nicolas Sarkozy s’est écrié menaçant : « Rien, je dis bien rien, ni personne, je dis bien personne, ne m’empêchera d’aller jusqu’au bout ! ». J’ai trouvé saisissant le contraste entre l’annonce d’un processus de démocratie interne à l’UMP et cette affirmation violente, cette démonstration oratoire de force et de détermination qui feraient fi des moyens employés et des expressions concurrentes pour parvenir à ses fins. Le résultat, seul, compte pour Nicolas Sarkozy ; la culture du résultat qu’il semble s’appliquer à lui-même, quels qu’en soient les moyens, fussent-ils anti-démocratiques. La désignation du candidat unique de l’UMP n’a fait que confirmer mes craintes.  Les voix divergentes n’ont pas de place autour de cet homme-là.
Je crois beaucoup que les conditions de la paix entre les hommes naissent en chacun de nous. Un homme de paix n’est pas un homme mou mais au contraire fermement en paix avec lui-même. Beaucoup, à droite (le staff de campagne de Sarkozy en témoigne régulièrement) comme à gauche, s’accordent à penser que Sarkozy est un homme violent. Il n’est pas le garant de la paix pour notre pays ; c’est un chef autoritaire au tempérament guerrier. Nous ne sommes pas ses soldats. Il est d’ailleurs fort à parier que s’il avait été président au moment du déclenchement de la guerre en Irak, quelques milliers de nos vrais soldats y auraient trouvé la mort, pour rien.
Je me souviens du voyage aux Etats-Unis où Sarkozy jubilait de serrer la main au président Bush, précisément en dénigrant l’attitude de son propre pays, la France, et sa position pacifiste, pour plaire au Monsieur et tacler Jacques Chirac et Dominique de Villepin d’un coup. Position que l’histoire et que chacun veut bien mettre au crédit de Chirac et qui a fait l’honneur et la grandeur de la France ses dernières années. Bien sûr, Nicolas Sarkozy s’est ravisé sur la question, une fois les concurrents éliminés et par un « savant » calcul électoral. Sans doute une inspiration venue de son nouveau maître à penser, Jaurès…
Je me souviens que Nicolas Sarkozy aime tellement l’Amérique, modèle de société s’il en est, qu’il emprunte même à son système judiciaire. Quelle espèce de justice peut-il y avoir lorsque l’on instaure, pour alléger les peines et les procédures, le « plaider coupable » et le système des aveux (obtenus parfois grâce à cette même culture du résultat), sans une véritable défense, sans que la présomption d’innocence ne prévale ?
J’ai été frappé lorsque je suis allé aux Etats-Unis pour la première fois en 1979, enfant donc, par ce bruit perpétuel de sirènes de police dans les rues. C’était nouveau, ça ne correspondait alors à aucune réalité que je connaissais, en dehors des séries télévisées… américaines. J’ai été frappé par la recrudescence de ces mêmes sirènes dans les rues de Paris et des villes de France ces dernières années, et par la manière dont elles ont retenti au retour du « chef » au ministère de l’Intérieur. Faut-il céder au chant de ces sirènes-là ?
La présence, la visibilité policière s’est nettement accrue sous le patronage d’un Sarkozy qui prône cette société policière avec, là encore, la même culture du résultat pour les forces de l’ordre. Du chiffre ! Des quotas ! Mais jusqu’où ? Combien d’ordres et combien de force ? Les vrais résultats sur la sécurité publique ne s’en sont pas améliorés pour autant.
Ce sont les mêmes chiffres et les mêmes quotas qui ont présidé à la triste mascarade de régularisation des sans-papiers l’été dernier. Contrairement à ce qu’il avait promis, Sarkozy n’a pas tenu son engagement d’étudier chaque dossier au cas par cas, avec l’« humanité » annoncée. Il a donc bel et bien trahi son engagement et la confiance que des milliers de gens, fragilisés par une situation administrative intenable et des conditions de vie plus que difficiles, avaient mise en lui. Cette « circulaire Sarkozy » n’avait en réalité pas pour but d’étudier au cas par cas et avec humanité, mais bel et bien d’ « encercler ».
Je me souviens qu’Alain Juppé, du temps où il était premier ministre, avait envoyé avec la même « humanité » les forces de l’ordre défoncer à coups de hache les portes de l’église Saint-Bernard pour y déloger… des sans-papiers. Ces immigrés, comme ceux que pourchassent Sarkozy et Le Pen aujourd’hui, n’étaient sans doute pas des gens « choisis »… Comme ce grand-père chinois qui venait chercher ces petits-enfants à l’école de la République et que les forces de l’ordre ont jugé opportun et humain d’arrêter à ce moment-là. Sur le fronton de cette école, aux valeurs courageusement défendue par sa directrice, les mots « liberté, égalité, fraternité » avaient dû être écrits à l’encre sympathique, les rendant invisibles aux « forces de l’ordre » et à leur ministre.
« Immigration choisie », « immigration subie », du beau langage vraiment… mais qui choisit vraiment et sur quels critères ? Qui subit vraiment l’immigration, le pays qui a les moyens et une tradition de terre d’asile ou la personne qui a la nécessité, parfois vitale, d’émigrer ? Si l’on devait ramener cette « philosophie » à la sphère privée, je ne doute pas que même feu Jean-Paul II, nouveau maître à penser de Sarkozy, se retournerait dans sa tombe ou au ciel au nom de la charité chrétienne !
Le rapprochement douteux fait par Nicolas Sarkozy de l’immigration et de l’identité nationale, comme si la première venait menacer la seconde, au sein d’un ministère du même nom ne manque pas d’évoquer un des thèmes fondateurs de l’extrême droite française. Simone Veil s’en est émue. Mais qu’attend-elle pour retirer à Sarkozy un soutien qui n’est pas digne d’elle ?
Si l’on ramenait maintenant cette même « philosophie » non plus à la sphère privée mais à l’Europe élargie, est-ce au nom de ces mêmes « valeurs » que Nicolas Sarkozy est farouchement opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union ?
Je me souviens, comme tout le monde, de la « racaille » et plus encore du « kärsher ». Les mots sont la matière première des hommes politiques. La pensée et le langage, c’est bien là ce qui caractérise un homme. Comment peut-on parler comme ça ? Avec un tel mépris. C’est la caricature du langage martial. C’est Rambo ! Il y a dix ans ce champ lexical était laissé au seul Le Pen et chacune de ses sorties faisait scandale, à juste titre. Est-ce là le signe d’un grand homme, d’un homme de paix ? Emprunter au langage de Le Pen et aux thèses du Front National n’a pas de vertu électorale. C’est, au mieux, un mauvais calcul, et au pire l’expression d’une pensée. Nicolas Sarkozy n’a pas bâti depuis cinq ans un rempart contre Le Pen, comme il prétend le faire, mais il a au contraire dressé une attrayante et praticable passerelle vers ses idées.
Je me souviens du rapport que Sarkozy entretient avec les médias, de la manière dont il a systématiquement convoqué les caméras de télévisions à chacun de ses déplacements (sauf celui d’il y a quelques jours à Meaux). Cela nous semble presque naturel maintenant mais ça ne se faisait pas avant, pas dans cette mesure. Il a une maîtrise totale de l’image. C’est une bête en la matière. Mais cette maîtrise-là rime avec contrôle. Le contrôle des médias. Ses rapports proches, intimes, avec les grands patrons de l’audiovisuel ne peuvent que poser la question de l’impartialité du traitement des informations, celles qui le concernent en particulier. Les colères, en cas de mécontentement du « patron », sont fracassantes, les nominations de journalistes conseillées, le limogeage d’autres ordonné, les pressions et menaces aux journalistes peu amènes sont courantes. Ce contrôle-là rime avec censure.
Je me souviens de ce livre sur Cécilia Sarkozy – qui semble réduite au silence en ce moment – et qui n’est jamais paru après que son éditeur eut rendez-vous dans le bureau du ministre Sarkozy ; de ce patron de Match licencié sur demande du même Sarkozy pour cause de papier « irrévérencieux » évoquant la liaison de Cécilia. De la maîtrise de l’image au contrôle ferme, il n’y a qu’un pas ; le même qui sépare la censure d’une certaine forme de propagande.
Je n’ai pas besoin de me souvenir, tellement son apparition est quotidienne, que Sarkozy est un adepte du culte de la personnalité, culte largement relayé par l’UMP construite à son image et ses organes de communication, par son entourage.
Qui pourrait supporter deux secondes ce genre d’homme s’il était dans son entourage proche ? Qui voudrait apprendre à ses enfants que la vanité, la prétention, la vantardise, la suffisance, la colère, la violence, l’avidité sont des qualités qu’il faut cultiver ? Pourquoi vouloir à ce point qu’elles soient érigées en modèle d’ « homme d’état », en modèle d’une « nouvelle » société en « rupture ». Une société rompue à ces valeurs-là ?
J’oublie que rien de tout cela ne s’apprend sans doute, et que Sarkozy aura hérité d’un patrimoine génétique riche d’autant de merveilles. Mais hérité de qui ? De sa maman ? De son papa ? On peut craindre, à la lumière des nouvelles connaissances scientifiques que Sarkozy apporte, des lignées de pédophiles, de suicidaires (il faudra quand même songer à donner la vie avant de se supprimer), d’homosexuels (est-ce que les homosexuels naissent de parents homosexuels ?), plus ou moins dominants ou récessifs !!! Les fichiers ADN ont de beaux jours devant eux. Mais que faire des parents ? Quel « traitement » réserver aux nouveaux-nés ? Je préconise pour plus de sûreté l’emprisonnement prénatal ou, au plus tard et pour sauvegarder la sûreté publique, celui du nourrisson. Comme pour les enseignants qui devraient savoir relayer leurs collègues d’une autre matière, les policiers devraient eux aussi pouvoir exercer le métier de sage-femme, menottes à la main. On aura en tout cas gagné du temps dans le dépistage prévu par Nicolas Sarkozy de la délinquance des enfants de moins de trois ans…Si l’on poursuit le raisonnement, c’est la liberté même de concevoir, de se reproduire qui est mise en cause.
 
Je vais arrêter là cet exercice de mémoire, pour éviter d’en faire un catalogue lassant et parce que je ne me souviens pas de tout.
L’idéologie, les fondements même du totalitarisme sont presque tous réunis en cet homme, son caractère, sa vision de la société et de l’homme.
L’entretien d’un climat de peur, d’une menace terroriste est également une tactique empruntée à ce type de régimes ou, au mieux, à Bush.
L’illusion entretenue d’une société unie, qui ferait bloc, « ensemble », de Jaurès à Jean Paul II, des ouvriers aux « parachutistes dorés », et le discours qui, au contraire et en permanence, dresse les catégories les unes contre les autres et désagrège la solidarité sociale sont les deux versants d’une même pièce, la caractéristique même du totalitarisme.
 
La fascination n’est pas le lieu de la réflexion critique. L’obéissance aveugle au chef n’est pas celui de la liberté. Nicolas Sarkozy n’est pas un grand homme, pas un homme de paix, pas un homme d’état.
 
 
Grégory VEUX, auteur-compositeur-interprète.


24/04/2007
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