toupour le zooh

Figaro en Sarkozye

     Cette époque en rappelant d'autres - le régime de Pétain par certains côtés, les prémices de la Grande Révolution par d'autres, j'ai choisi cet extrait de la pièce du "Mariage de Figaro" de Beaumarchais (qui fut l'un des acteurs de la guerre d'indépendance des Etas-Unis) pour illustrer l'état de faisandage avancé de la société française actuelle : nous avons les "petits marquis" et leurs prébendes, les "héritiers" qui gèrent et digèrent les fortunes familiales, les agioteurs qui empruntent pour s'enrichir et batissent leurs fortunes sur la dette, les aventuriers, qui entrent en politique comme autrefois on entrait en brigandage, et toute la valetaille des histrions, amuseurs, courtisans qui font la roue aussitôt qu'on prononce devant eux le mot "artiste"...le reste est à l'avenant, censure, pressions sur....la presse, menace des intégrismes etc.

Beaumarchais, cette époque est la tienne, même si Jacques Marseille écrit au Figaro!

FIGARO :
 "Est-il rien de plus bizarre que la destinée! fils de je ne sais pas qui; volé par des bandits! élevé dans leurs moeurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête; et partout je suis repoussé! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie; et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire! Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre; me fussé-je mis une pierre au cou! Je broche une comédie dans les moeurs du sérail; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet, sans scrupule: à l'instant, un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense, dans mes vers, la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc: et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant: "chiens de chrétiens"! Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. Mes joues creusaient; mon terme était échu; je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque; en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses; et comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses, pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent, et sur son produit net; sitôt je vois, du fond d'un fiacre, baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil! je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume, et demande à chacun de quoi il est question: on me dit que pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille; on me supprime; et me voilà derechef sans emploi! Le désespoir m'allait saisir; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre: il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler; je me fais banquier de pharaon: alors, bonnes gens! je soupe en ville, et les personnes dites "comme il faut" m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter; je commençais même à comprendre que pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde; et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais; puis laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci...."

Comme Beaumarchais aurait aimé cette époque de Sarkozye, fidèle caricature d'une fin de régime qui promettait si bien la rupture que seuls les vieux conservateurs y croyaient.
Devedjan, ce soir à Canal +, prônant la fin des Privilèges des futurs pauvres et s'accrochant aux siens comme à une bouée, feignant de croire que Sarkozy fut élu sur un programme quand il fut élu sur des peurs entretenues. Où sont les Beaumarchais et Voltaire?

Figaro, fils d'un marchand d'armes (que fut Beaumarchais) devait-il devenir un jour, l'organe de presse d'un fabricant d'armes?




22/11/2007
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